Les hommes politiques sont connus pour leur bagou et leur capacité à séduire les foules. Certains seraient plus doués que d’autres en rhétorique. Forces et faiblesses des discours des hommes politiques sénégalais.
La politique et la séduction sont intimement liées et les meilleurs dans leur domaine ne le savent que trop bien. Dans un entretien avec Jeune Afrique, le journaliste Cheikh Diallo analyse les forces et faiblesses des discours des hommes politiques sénégalais. Il applique une «grille d’analyse oratoire» aux quatre présidents sénégalais qui se sont succédé, Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall et à Idrissa Seck et Ousmane Sonko.
Senghor, un exemple parfait de l’orateur
Peu de gens le savent mais Léopold Sédar Senghor est un exemple parfait de l’orateur qui a su dominer son trouble de l’élocution pour parvenir à l’éloquence. Il était le roi de la ponctuation et de l’articulation. Il était bègue, mais personne ne le savait tant il travaillait et maîtrisait ses silences, ses respirations. Senghor est la preuve que le bégaiement n’est pas un frein à l’éloquence quand on sait le dominer par la maîtrise du sujet et la gestion de ses silences, de ses respirations. George V, Molière, Churchill, Senghor, Clemenceau ou encore Einstein étaient bègues.
Abdou Diouf, la posture d’excellence
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Abdou Diouf, c’est la posture d’excellence, la verticalité, autrement dit le fait de remplir l’espace intensément de sa présence. Il y a également une grande musicalité dans la voix d’Abdou Diouf. Dans la communication non verbale, c’est tout le corps qui entre en jeu. Dans la rhétorique, c’est le corps qui fait vivre le langage et Abdou Diouf, par sa posture, son maintien et son charisme, incarne cela. Il compense ses faiblesses par les nuances de sa voix, qui reflètent les nuances de sa pensée. Et dans le discours, plus la pensée est belle, plus la phrase est sonore.
Wade, l’éloquence est l’argument fort
Pour Abdoulaye Wade, l’éloquence est l’argument fort. «Dire, c’est faire» ; l’énoncé, c’est l’action. Il tient la parole comme mot de gouvernement, comme transport des foules. Il vit en permanence dans l’éclat et, par conséquent, dans les sorties de pistes et le hors-discours. Abdoulaye Wade est adepte des envolées lyriques. Avec Wade, c’est: «sujet, verbe, compliment.»
Macky Sall, le style sobre et posé
Macky Sall a sa propre éloquence, plus sobre et posée. Macky Sall, c’est l’argument juste, même en restant économe des mots. Macky Sall c’est tout le contraire d’Abdoulaye Wade. Pour lui, « faire, c’est dire ». Sa méthode, c’est d’abord de faire, puis de venir expliquer. La force de Macky Sall, c’est qu’il n’est pas dans la vitesse, il prend son temps. Pour lui le discours, c’est la clarté: «sujet, verbe, complément».
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Idrissa Seck, l’orateur absolu
Idrissa Seck, pour moi, c’est l’orateur absolu. Il comprend tellement le poids du silence dans la prise de parole, le rythme, ce qui lui donne force et conviction même quand il semble dire des choses banales. C’est le maître du couplet «silence-respiration», à tel point que son silence semble quelquefois assourdissant. Il a tellement compris le poids des silences qu’il semble même les observer hors discours…
Sonko, fort comme une cathédrale
Ousmane Sonko, lui, est un exemple de verticalité. Comme Abdou Diouf, il est fort comme une cathédrale, il en impose et il en joue. Sa verticalité consiste à remplir son siège intensément de sa présence. Il l’incarne lors de la présentation de son livre Solutions, en 2018. Il monte alors sur scène un show médiatico-politique qui en fait le chouchou des médias. Costume cravate et manches retroussées, façon Obama. Quand il prend la parole, il prend le pouvoir !