Drapée dans une jolie Djellaba toute noire, la tête entièrement couverte d’un foulard noir, Ngoné Ndour séduit par sa simplicité. Elle nous accueille souriante et décontractée, l’ambiance confortable, au 3e étage de son bureau au salon à la déco Bordeaux. Elle rayonne, s’assoit et nous met à l’aise. Dans un français parfait, l’ingénieure en son surnommée la « boss des platines» nous livre les coulisses de son parcours, son amour pour les enfants, sa vie professionnelle, bref son attachement à la religion, dans une ambiance calme et sereine, guidée par un esprit positif sur la vie. On entame la discussion !
PARLEZ-NOUS DE VOTRE ENFANCE ?
Je suis née à la Medina. J’ai fait mes études à l’école de Soumbedioune. Après Soumbedioune, je suis allée au lycée Kennedy puis au collègue Sacré Cœur. Ensuite, je suis allée poursuivre mes études en Angleterre. Je n’ai jamais été turbulente, j’étais plutôt calme et sage.
POURQUOI METTEZ-VOUS LE VOILE ?
Cela fait maintenant 5 ans que je mets le voile. C’est un choix personnel. Cela m’est venu après le décès de mon mari. Depuis lors, je suis devenue voilée. D’ailleurs, j’ai regretté de ne pas l’avoir mis plutôt. Je mets le voile non pas pour la mode, car ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas trop encrée dans la mode (rires). J’ai toujours aussi aimé tout ce qui a trait à la religion et ça, depuis mon enfance. Quand je portais le deuil de mon mari, je me sentais très seule et je lisais beaucoup le Coran. J’ai compris que Dieu nous a demandé, à nous les femmes de mettre le voile. C’est comme ça que ça m’est venue à l’esprit. En plus d’être jolie, c’était très pieux. Après le deuil, quand j’ai décidé de mettre le voile, beaucoup de mes proches m’ont demandée si c’est vraiment ce que je voulais faire et d’ailleurs, il y en a ceux qui voulaient m’en dissuader. Mais je vis avec mes convictions. Si je pouvais retourner en arrière, je l’aurais fait depuis et d’ailleurs, j’en oublie même mon style d’avant. Je n’associe la religion à aucune autre chose. A part le boulot, c’est elle ma vie. Concernant ceux qui mettent le voile de façon sexy, je ne les juge pas et d’ailleurs ce n’est pas dans mes habitudes.
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PEUT-ON PARLER D’UNE INDUSTRIE DE LA MUSIQUE AU SENEGAL ?
Oui et non ! On peut parler d’industrie de la musique, il y a beaucoup de choses qui s’y passent. Mais économiquement, ce n’est pas trop ça. Les artistes produisent beaucoup. Il y a des artistes qui sortent beaucoup de singles. Il y a aussi beaucoup d’évènements qui se font mais économiquement, ce n’est pas vraiment rentable. Depuis quelques années, on a remarqué que la musique rencontre d’énormes problèmes dus peut-être au changement économique. On est à l’ère du numérique, et peut être l’Afrique n’est pas encore au rendez-vous du numérique. On est en train de faire notre chemin, mais pour parler réellement d’industrie musicale au Sénégal, je mettrais des guillemets.
QUELLES SONT LES IMPACTS SUR LES DROITS D’AUTEURS DES ARTISTES EN CETTE PERIODE DE PANDEMIE ?
La plus grande partie de nos recettes proviennent des manifestations qui se font dans les salles, dans les hôtels. Donc, depuis que la pandémie est là, c’est zéro recette pour le droit d’auteur. Cette année, on risque de ne pas avoir de droits généraux ; des droits musicaux vont être distribués parce que tout simplement il n’y a pas eu de collectes. C’est la raison pour laquelle la SODAV avait sollicité l’Etat du Sénégal pour une assistance pour au moins pouvoir poursuivre sa mission et dédommager les artistes qui sont impactés par le coronavirus.
QUE REPONDEZ-VOUS AUX ARTISTES QUI REGRETTE LA BSDA ET QUI QUALIFIENT LA SODAV DE « SANGSUE » ?
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Je dirai que c’est une histoire qui est dépassée. On en parle plus ! Ce qu’il ne faut pas refuser, c’est que l’on gère une entreprise qui génère de l’argent maintenant et/ou les artistes récupèrent leurs droits. C’est normal qu’il y ait des gens qui disent ça. On ne peut pas être apprécié à 100%. C’est impossible. Nous sommes dans un monde où les gens ont le droit de contester quand ils ne sont pas d’accord. Maintenant, ce qui est important, c’est la réponse qu’il faut apporter. Et cette réponse, c’est nous qui devons l’apporter. Depuis qu’on a mis en place la SODAV, les résultats sont probants. On est venu, on a trouvé dans la maison 42 millions de franc CFA, et là aujourd’hui, on parle presque de milliards. La SODAV a démarré en Septembre 2016 et aujourd’hui, les résultats sont là, et on ne peut pas empêcher aux gens de donner leurs avis. L’essentiel, c’est que notre travail est très transparent parce que chaque année, on fournit un rapport et un bilan qui sont certifiés par un commissaire au compte. Il y a un dynamisme qui se passe, et c’est ce qui suscite d’ailleurs les bruits. C’est normal que ça bouillonne.
C’EST QUOI LA DIFFERENCE ENTRE LA SODAV ET Le BSDA ?
La différence entre le BSDA et la SODAV est que le BSDA, c’était le bureau sénégalais des droits de l’auteur. Il ne s’occupait que des droits d’auteurs, c’est-à-dire pour ceux qui créent. La SODAV, c’est la société sénégalaise du droit d’auteur et des droits voisins. C’est-à -dire que le BSDA ne s’occupait pas avant des droits des artistes interprètes et des droits des producteurs. Aujourd’hui, c’est ce que fait la SODAV et c’est ce qu’on appelle les droits voisins. C’est ça la différence. Il y a les droits voisins que gèrent aujourd’hui la SODAV en plus du droit d’auteur.
QUELLE EST LA VALEUR AJOUTEE AVEC LA SODAV ?
Il y a de l’argent, et même beaucoup d’argent avec la Sodav (elle insiste). On ne parle pas de 200 ou 300 millions que faisait la BSDA auparavant mais là, on parle presque de milliards avec seulement le droit d’auteur. On parle des milliards, et ça suscite l’intérêt, c’est normal. Je n’accepterai pas qu’on n’occulte la vérité. Je n’aime pas ça. Quand une personne doit râler, elle râle parce qu’elle a raison. La SODAV est faite pour les artistes. On ne peut pas museler les artistes et leur interdire de parler. Peut-être notre façon de travailler ne plait pas aux gens. Il y a peut-être aussi le fait que je sois nommé PCA qui ne plaît pas à tout le monde. D’ailleurs quand j’ai été nommée PCA, ça a soulevé beaucoup de bruits. Tout cela parce que je porte le nom NDour. Ça n’a aucun sens. Je suis artiste et je suis ayant-droit comme tout le monde. Demain quand je ne serai plus là, il y aura quelqu’un d’autre à ma place. D’ailleurs avant moi, il y avait une autre nommée Angèle Diaban. Elle était cinéaste. Elle fut la première PCA de la SODAV. Elle, elle est cinéaste et moi je suis productrice. Je suis ayant-droit, et c’est pour cela qu’on a voté pour moi. Je n’ai pas volé mon poste. On ne me l’a pas imposé, j’ai déposé ma candidature comme tout le monde. Ils ont massivement voté et ainsi j’ai gagné. C’est aussi simple que ça. Je ne suis pas une nullarde. Je suis une professionnelle qui connait ce qu’elle fait. J’ai appris le métier et je sais où je mets les pieds. J’ai fait partie de ce qui ont mené le combat tout au début. On est en démocratie, et je ne peux pas empêcher aux gens de parler. Laissons-les dire ce qui leur déplait. Mais au moins qu’ils le fassent dans la vérité. C’est ce qui importe pour moi. Tout le monde est libre de parler car après tout, ils veulent tous ma place (rires).
« Je suis une bosseuse, je suis comme tout le monde, une Sénégalaise simple.»
PSYCHOLOGIQUEMENT COMMENT VIVEZ-VOUS TOUTES CES CRITIQUES ?
C’est une question que mes proches, les gens qui m’aiment me posent. Je sais qui je suis. Et ce n’est que cela. Je n’ai ni escroqué, ni volé. Je suis une passionnée de l’art. La SODAV ne m’a rien apporté, je n’ai pas de salaire et je paie moi-même mon portable. La SODAV ne m’a pas acheté de voiture, elle ne me donne que le carburant. Je suis la Pca la plus pauvre du monde. Mes administrateurs sont les administrateurs les plus pauvres du monde. Ce qui m’intéresse à la SODA, c’est de bosser dur et de fournir un résultat. C’est à grâce aux résultats que je fournis qu’il y a tout ce bruit. C’est normal, L’argent est le nerf de la guerre. C’est parce qu’il y a des résultats, que ça intéresse tout le monde. Si ce n’était pas le cas personne n’en parlerait. Je suis appelée à être remplacée par une autre personne ; ce que je veux, c’est que l’on mette en œuvre ces droits voisins pour que demain en tant que producteur qu’on me paye mes droits si je tends la main. Aujourd’hui, je blase ce que les gens disent parce que je sais qui suis-je. Je me connais. Ceux qui me connaissent savent aussi qui je suis, donc je n’ai pas besoin de me justifier. La SODAV, c’est une structure privée mais pour les artistes. Quiconque ne fait pas partie de ces derniers n’a pas besoin de dire quoi que ce soit. C’est entre nous. On pourra tout me reprocher, mais ils diront toujours que je suis une bosseuse et c’est ce que je fais à la SODAV. Je n’ai pas de salaire dans cette structure. Tout le monde le sait. Et mes prérogatives en tant que Pca, j’ai décidé de ne pas les prendre. Je ne suis pas millionnaire, je suis comme tout le monde, c’est-à-dire une sénégalaise simple. Depuis que l’on me connait, on sait que je suis une grande bosseuse même s’il y a eu des bas dans ma vie, je me suis toujours relevé. Si une autre personne était à ma place, elle aurait pris ces prérogatives. J’ai décidé de ne pas les prendre parce que je sais que porter le nom Ndour est très difficile, mais ce n’est pas un nom de la honte.
QU’EN EST-IL DE VOTRE SÉPARATION AVEC PAPE DIOUF ?
Non, il n’y a rien, (elle insiste). Pape Diouf est un artiste. Nous ne sommes pas dans un monde où l’on enferme les gens. Si on est en collaboration, c’est parce qu’on le sent, et si on ne sent plus la collaboration, chacun est libre de partir et dans de bonnes conditions. Pape Diouf est mon frère et je lui souhaite tout le bien du monde. Il est libre de partir. Le plus important, c’est que l’on ait gardé de bons rapports.
QUELS SONT VOS RAPPORTS AVEC LES ENFANTS ?
J’adore les enfants. Ça tout le monde le sait. Pour moi, c’est un monde où il n’y a pas de mépris, de préjugés. Un monde où il n’y a rien, un monde pur. Les enfants pour moi, c’est l’une des choses les plus importantes au monde.
QUELLES SONT LES INNOVATIONS A « SEN PETIT GALLE » POUR CETTE ANNÉE ?
Cette année, il n’y aura pas de Sen Petit Galle. D’ailleurs, on avait fait un communiqué là-dessus. Pour des raisons que tout le monde connait dues à la pandémie. L’interdiction des rassemblements fait que tout ce qui tourne autour des concerts, de la musique, de l’art en général ne pourra pas être fait. Ceux qui font les spectacles vivant, ce ne serait pas possible. C’est la raison pour laquelle tous nos spectacles même au-delà de Sen Petit Galle, seront tout annulés et on attend comme tout le monde.
QUELLE EXPÉRIENCE AVEZ-VOUS TIRE DE SEN PETIT GALLE ?
Une très belle expérience. J’ai pu découvrir des enfants extraordinaires. On a tous découvert cela. C’est une émission qui se passe pendant les vacances que les enfants aiment. Nous, on est dans le monde de la culture, à chacun son secteur.
N’AVEZ-VOUS JAMAIS PENSE A FAIRE CARRIÈRE DANS LA MUSIQUE ?
Non ! Naturellement, j’ai eu l’influence de mon frère qui a influencé notre famille surtout ceux qui sont intéressés par l’art. Youssou est l’aîné de ma mère, donc tous ceux qui font de la musique dans la famille, c’est lui qui les a influencés. Quand j’ai quitté le Sénégal pour aller faire les études à Londres, j’ai rencontré quelqu’un qui m’a fait savoir qu’il y avait une école qui donnait des cours en ingénieur de son et ça m’avait tellement plu. J’en ai parlé à mon frère et il m’a dit qu’il s’en occupait. Après l’obtention de mon diplôme, je suis rentré au Sénégal, mais c’était difficile pour moi d’exercer mon métier parce que mon frère n’avait pas encore de studio. Je ne l’exerçais pas et donc il y a rupture. Après cela, j’ai intégré sa structure, car je ne pouvais pas rester sans rien faire. Il m’a fait faire une petite formation en informatique. Et c’est quand j’ai commencé à fréquenter la structure que m’est venue l’envie de faire de la production. Tout ce qui est management de l’art, j’ai mis de côté ce que j’en savais.