Par Cherif Adrame Aidara, journaliste free-lance
Journée sans presse : Une grève des patrons, pas des journalistes
L’annonce d’une « journée sans presse » orchestrée par les dirigeants des médias a suscité une vague d’indignation parmi les journalistes.
Alors que cette initiative est présentée comme une défense de la liberté de la presse, elle soulève des questions fondamentales : pourquoi une telle mobilisation n’a-t-elle jamais eu lieu lorsque des journalistes étaient emprisonnés, torturés, ou lorsque des médias indépendants comme Walf ont été muselés ? Cette « journée sans presse » apparaît en réalité comme une grève des patrons de presse, motivée par leurs propres intérêts financiers, plutôt que par un réel souci de défendre les droits des journalistes.
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Une grève motivée par des intérêts financiers
Il est révélateur que cette journée sans presse soit organisée en réaction à une obligation fiscale imposée par l’État. Les patrons de presse semblent soudainement très préoccupés par la « liberté de la presse » lorsque leurs intérêts financiers sont en jeu. Cependant, lorsqu’il s’agit de défendre les journalistes qui sont au cœur de cette liberté, leur silence est assourdissant. Cette mobilisation est avant tout une grève des patrons, visant à protéger leurs profits plutôt qu’à défendre les principes fondamentaux du journalisme.
L’absence de solidarité envers les journalistes persécutés
Le contraste est frappant. Lorsque des journalistes ont été emprisonnés, torturés, et malmenés pour avoir exercé leur métier avec intégrité, où étaient les appels à la grève de la presse ? Pourquoi cette même presse n’a-t-elle pas été suspendue pour dénoncer ces atteintes graves à la liberté d’expression ? Le cas du groupe de presse Walf est emblématique : son signal a été coupé à plusieurs reprises, sa licence a même été retirée définitivement, mais cela n’a jamais déclenché une journée sans presse. Ce silence en dit long sur les priorités réelles des patrons de presse.
Une mobilisation sélective et opportuniste
Cette journée sans presse montre clairement que la mobilisation des patrons de presse est sélective et opportuniste. Lorsqu’il s’agit de défendre leurs intérêts économiques, ils n’hésitent pas à prendre des mesures drastiques. Mais lorsque les droits des journalistes sont bafoués, leur réaction est beaucoup plus timide, voire inexistante. Cette absence de solidarité envers leurs propres employés trahit une vision cynique de la liberté de la presse, réduite à un simple outil de négociation.
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Les vrais enjeux pour les journalistes
Les vrais enjeux pour les journalistes ne résident pas dans une lutte fiscale entre l’État et les patrons de presse. Ils se trouvent dans la défense de leurs droits fondamentaux : la liberté d’exercer leur métier sans crainte de représailles, le respect de leur intégrité physique et morale, et la reconnaissance de leur rôle crucial dans la société. Cette « journée sans presse » détourne l’attention de ces enjeux essentiels et fait passer les intérêts des patrons avant ceux des journalistes.
La « journée sans presse » annoncée n’est rien d’autre qu’une grève des patrons de presse, une action motivée par des considérations financières plutôt que par une véritable défense de la liberté d’expression. Les journalistes, quant à eux, continuent de faire face à des menaces réelles et persistantes, souvent sans le soutien des dirigeants des médias. Il est temps de recentrer le débat sur les véritables enjeux et de reconnaître que la liberté de la presse ne peut être défendue sans protéger ceux qui la font vivre au quotidien.