Dakar est une ville à embouteillages, certes. Mais depuis le début du Ramadan, ces bouchons en toutes heures et partout la journée sont la règle, devenant insupportables ou presque pour la population. Pour éviter ces bouchons, les habitants de la banlieue situés sur et non loin du tracé du Train express régional (TER) ont trouvé l’alternative : le TER, c’est la solution. Ce qui n’est pas sans conséquence car ce moyen de locomotion moderne est pris d’assaut par des voyageurs, surtout à l’approche de l’heure de la rupture du jeûne ; une affluence entrainant des cas surcharges qui inquiètent plus d’un. Des reporters de Sud Quotidien ont fait le constat, après plusieurs voyages dont deux d’affilé cette semaine, dans le sens centre-ville grande banlieue, à bord du TER. Carnet de bord !
PAR SEYNABOU BA (STAGIAIRE) & ID
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18 h à la gare ferroviaire de Dakar. L’heure de la rupture du jeûne, en ce mois de Ramadan, approche. L’esplanade du rond-point du port, où est érigé le monument surmonté des statues de Demba et Dupont, grouille de monde. Des rangs sont formés devant l’entrée du bâtiment principal de la gare, sur de longues distances. Il s’agit personnes qui cherchent à se procurer des tickets de voyage pour embarquer à bord du Train express régional (TER). Il en est ainsi tous les soirs ou presque ; depuis le début du Ramadan, selon des témoignages d’usagers, c’est une période rush, de grande affluence.
Les passagers cherchent à tout prix à rejoindre le domicile, en évitant les embouteillages monstres partout sur les routes, pour couper le jeûne dans des conditions optimales. Pour cela, le TER devient la solution. Donc, il faut suivre les rangs, se mettre derrière les derniers de chaque colonne, quand on vient d’arriver. Embarquer à bord du TER pour rallier le reste de Dakar et sa banlieue en un temps record, ça vaut la peine pour ces usagers.
CONÇU POUR 565 PLACES, LE TER EN SURCHARGE A L’APPROCHE DE L’HEURE DU NDOGOU
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Ainsi, hommes et femmes venus de différentes localités de la périphérie de Dakar et même de Thiès, Mbour et environs envahissent les artères de la grande gare du TER pour rallier vite leurs domiciles ou Diamniadio, pour ceux qui sortent de la capitale. D’ailleurs, certains d’entre ces derniers laissent désormais leurs véhicules au parking sécurisé de la gare de Diamniadio pour le faire reste de leur trajet vers le centre-ville par train.
Mais, une fois le ticket en poche, se pose l’équation de trouver une place à bord du TER. Pour cela, des passagers se bousculent, d’autres courent, pour avoir de la place assise. Vu la grande affluence, le train se remplit (très vite), avant son départ de la gare de Dakar. Ce qui sera fait dans quelques minutes. Il est sur les rails. En un clin d’œil, l’on annonce le premier arrêt : Colobane. Mais il n’y a plus de place pour des passagers de cette gare ainsi que d’autres proches (Hann) ; le TER ne commençant à se vider de l’essentiel de ses occupants qu’à partir de la banlieue (Yarakh, Pikine, Thiaroye, Yeumbeul…).
Conçu pour prendre jusqu’à 565 places par rotation, selon des sources, le train dépasserait largement ce nombre, à l’approche de l’heure du «ndogou». En atteste, parfois il est même difficile de fermer les portes, tellement les passagers se retrouvent entassés (en surnombre) dans les wagons. Aussi un incident s’était produit il y a quelques semaines, suite à un rush à l’heure de rupture du jeûne à la gare de Dakar.
Suffisant pour que des usagers attirent l’attention des autorités : «il est temps d’alerter avant que l’irréparable ne se produise. Le surnombre avait fait couler le ‘’Joola’’ et jusqu’à présent on a l’impression que la leçon n’est pas apprise avec le TER où n’importe qui peut monter à bord, même s’il est plein. Tout appareil a une limite», lance un usager.
LES CALVAIRES DES PASSAGERS DES PLACES DEBOUT
Justement, une fois au premier arrêt, qui est la gare de Colobane, la galère augmente. Les gendarmes préposés à la sécurité du train et des passagers descendent, pour demander aux passages en surnombre de descendre et d’attendre un autre train qui viendra d’ici 10 mn, pour que les portes (du train) puissent se fermer.
Pis, à l’intérieur du train, il n’y a pas d’attaches ou barres permettant aux dizaines voire centaines de passagers debout de tenir, en s’y agrippant, pour éviter de tomber ou perdre l’équilibre à cause des secousses et balancements au niveau des virages. Certains ont même des vertiges dans le train ; mais cela ne dérange pas les passagers qui disent avoir l’habitude de vivre pire dans les bus de transport en commun.
Ce qui laisse croire, selon certains voyageurs, qu’une telle situation d’affluence, avec autant de personnes se tenant debout dans les wagons, n’était pas prévue. «Malgré tout, cela vaut le coup de prendre le TER, vu la rapidité et l’on est obligé de s’adapter». Omar en est convaincu.
Tandis que pour son co-voyageur Pape, la situation est insupportable. «J’invite ainsi les autorités en charge du nouveau moyen de transport à renforcer l’organisation pour nous permettre d’effectuer un bon voyage», conseille-t-il.
Lui emboitant le pas, ce papis d’environ la soixantaine estime que la grande affluence signifie que «le TER est un succès. Tant mieux, vu son prix». Il ajoute : «il faut penser à augmenter la fréquence des trains, surtout aux heures de pointe, et créer une applications pour des billets numériques. La fréquence des trains pourrait être modulée plus efficacement si on connait en temps réel le nombre de billets vendus».
PLAIDOYER ET SUGGESTIONS POUR UNE BONNE ORGANISATION
«Les services du TER ainsi que les chargés de sa sécurité doivent revoir leur organisation. Ils soumettent les usagers à trois queues successives : l’une à l’entrée de la gare, la suivante à la validation des titres de transports (tickets, cartes) et la dernière à l’entrée du quai. La dernière queue peut être supprimée. Les voyageurs doivent être admis sur le quai dès lors qu’ils ont validé leurs titres de transport. La queue d’avant quai ne peut se tenir sur cet espace exiguë et ce n’est pas un gage de sécurité. Si les quais sont remplis de voyageurs, il convient simplement de maintenir les autres au niveau du hall et arrêter les validations», plaide Seydina Mohamed Niass.
Et de relever ceci : «Ensuite, l’abonnement n’offre aucun avantage car ceux qui viennent pour se payer un ticket, ont accès aux quais avant les abonnés ; seuls les abonnés de la Première classe ont un avantage d’accès direct».
TEMOIGNAGES DE PASSAGERS : LE TER, UN SOULAGEMENT…
ASTOU, PHARMACIENNE, CLIENTE FIDELE DEPUIS LE DEMARRAGE DU TER
«Voir mes enfants, ce n’était presque pas possible avant le TER…»
«Je suis pharmacienne à Dakar. J’ai trois (3) enfants, un garçon de sept (7) ans, et deux filles de quatre (4) et un (1) an et demi. Je vis dans la banlieue avec mon époux et mes enfants. Mes horaires de travail souvent compris entre 07 H et 23 H m’empêchaient de parler avec mes enfants, du lundi au vendredi. Je devais partir de chez moi tôt chaque matin pour ne rentrer que très tardivement le soir. Et à chaque fois, les enfants étaient au lit. Aujourd’hui, le TER me permet de réveiller mes enfants, de leur faire le petit déjeuner, de leur faire un câlin tous les matins avant de partir au travail et le soir avant qu’ils n’aillent au lit.»
EL HADJI ISSA DIENE, HABITANTS DE BARGNY
«Avant le TER, je prenais 2 à 3 bus Tata… ce qui m’empêchait d’avoir le sommeil tranquille…»
«Je suis un commis de l’administration âgé de 55 ans. Je suis de Bargny. Voilà plusieurs années que l’heure de la coupure du jeûne me trouvait dans les embouteillages. Non seulement je prenais deux (2) à trois (3) bus Tata à chaque aller tout comme au retour, mais je me tordais de douleur le soir ; ce qui m’empêchait d’avoir le sommeil tranquille. C’était très pénible pour moi ! Cette année, au premier jour du Ramadan, lorsque je suis arrivé chez-moi, à Ndaldaly, avant le «takkussân» (la prière de 17H), j’ai dit : «Alhamdou-Lillahi Rabbil Alamine !» (Louange à Dieu). S’il est vrai que depuis janvier de cette année le TER m’a beaucoup soulagé, je l’ai encore plus senti durant ce mois béni de Ramadan. Grâce au TER, je ne fais plus du «fay borr» (rattraper les heures de prière perdues) et je dors bien le soir. Je me permets même de faire des «nàfilas» (prières surérogatoires) vers 4H du matin. Ainsi, je prie pour le président Macky Sall chaque soir après la coupure du jeûne et durant ces «nàfilas».